Compte rendu de la conférence donnée le 19 février 2025 par Pierre Guérin
Vous pouvez télécharger l’article réalisé par M. Guérin ici
Histoire de l’électrification dans le sud du Hainaut et la région de Couvin
1 L’électricité, un moyen moderne de répondre au besoin d’énergie
Très rapidement, l’Homme s’est rendu compte que, pour améliorer son quotidien et son confort, l’énergie que son corps est capable de produire ne suffit pas. Il va puiser l’énergie nécessaire dans différentes sources :
- Ses semblables : aide mutuelle, contrat de travail, mais aussi servitude et esclavagisme,
- Les animaux : bœufs, ânes, chevaux, chien, … essentiellement pour la traction,
- La nature : vent, cours d’eau…
Au milieu du 19e siècle, l’utilisation de la seule force de la nature semble ne plus suffire. On voit apparaitre les machines à vapeur alimentées par du bois (notamment dans les scieries ou saboteries) ou du charbon. Viendront ensuite, vers la fin du 19e siècle, les moteurs au gaz pauvre (gazogène) mais aussi au pétrole, à l’essence.
Dès la fin du 19e siècle, bien avant la création de l’AIESH, des industriels ingénieux viendront utiliser la force tournante de ces machines pour actionner une dynamo et produire de l’électricité.
Dans notre région, outre l’usage classique pour la traction, les chevaux seront utilisés pour activer des machines. Longtemps, la principale source d’énergie viendra des moulins à eau profitant de la richesse du réseau de rivières et ruisseaux, parfois complétés d’un ou plusieurs étangs pour en soutenir le débit, comme à Virelles.
Vers 1850, les industries gourmandes en énergie comme les laiteries et les marbreries s’équipent de machines à vapeur, souvent remplacées vers 1900 par des moteurs au diesel.
2 Brève histoire de l’électricité dans le monde et en Belgique
2.1 Premiers réseaux de distribution
Le 19e siècle donne lieu à de multiples innovations dans les différents domaines de l’électricité.
Parmi ces inventions, on retiendra, par chauvinisme, l’invention de la dynamo par le liégeois Zénobe Gramme en 1871, créant ainsi la première génératrice à courant continu utilisable industriellement. Pour développer son invention, Gramme s’associe à un industriel français, Hyppolite Fontaine, qui en 1871 découvre par hasard la réversibilité de la machine de Gramme, créant ainsi le moteur électrique. Autre invention majeure, en 1879, Thomas Edison dépose le brevet de l’ampoule électrique. Ces inventions vont converger en 1881 vers la création des premiers réseaux de distribution d’électricité, principalement pour créer des réseaux d’éclairage public et accessoirement apporter ce même éclairage aux riverains de ces réseaux, précisément grâce l’ampoule de Edison.
New-York
Le même Edison va en 1882 créer le premier réseau d’éclairage public à New-York comptant 1.200 ampoules, pour en compter déjà 10.000 l’année suivante. Le réseau de Thomas Edison n’est cependant pas très efficace en raison de son choix (entêtement) d’utiliser du courant continu, limitant les circuits à quelques kilomètres. Il s’en suit dès lors aux USA une guerre des courants entre Thomas Edison, tenant du courant continu et Georges Westinghouse et son associé Nikola Tesla, promoteurs du courant alternatif.
En 1896, le courant alternatif s’impose définitivement comme moyen de transport de l’énergie électrique. Un peu hors sujet, on peut dire que tous deux s’en sont bien sortis : Thomas Edison a créé la General Electric qui, avant sa scission en 2024 occupait 250.000 personnes pour un C À supérieur au PIB de la Wallonie.
Georges Westinghouse a quant à lui créé la Westinghouse Electric Company qui deviendra un géant du nucléaire dans les années 1950/60 mais finira en faillite en 2017. Au passage, Westinghouse sera actionnaire principal des ACEC à Charleroi de 1970 à 1985.
Paris
À peu près à la même époque, même un peu plus tôt, l’électricité illumine les boulevards, les magasins, les usines et les expositions d’art les plus en vue, assurant à la capitale française la réputation de « Ville Lumière ».
Bruxelles
À Bruxelles, on mentionne les premières ventes d’électricité en 1885. Une centrale alimente plusieurs magasins.
2.2 Initiatives locales dans notre région
Comme vu précédemment, de nombreux ateliers ou petites usines tiraient leur énergie de moulins, de machines à vapeur ou plus tard, de moteurs diesel. Par nécessité ou par goût de la modernité, les plus téméraires vont se servir du mouvement tournant de ces machines pour activer une dynamo et produire de l’électricité pour leurs besoins propres et parfois pour leur voisinage.
Ce sera particulièrement le cas des saboteries qui disposent de grandes quantités de déchets de bois pouvant servir de combustible dans les machines à vapeur.
À Presgaux, la saboterie « La Persévérance » produit de l’électricité dès 1897 pour elle-même, mais aussi pour les habitants de la commune. En 1925, les communes de Presgaux et Gonrieux continueront d’être alimentées par la saboterie. Mais dès 1931, l’AIESH fournit l’électricité de secours lorsque la saboterie est à l’arrêt.
Nous verrons plus loin que la saboterie, de par sa capacité à produire dans les conditions proches d’une centrale électrique jouera un rôle important dans la création de l’AIESH.
3 Création de l’AIESH
3.1 Situation au sortir de la guerre 14-18 – Les campagnes oubliées
On l’a vu, cela fait près de 40 ans que les grandes villes, puis progressivement tous les centres urbains bénéficient des bienfaits de l’électricité. Dans nos campagnes, ce sont toujours les solutions du siècle précédent qui fournissent l’éclairage ou la force motrice, tant aux particuliers, qu’aux petites industries et surtout aux nombreuses fermes.
Bien sûr, la guerre a fait perdre du temps à tout le monde, mais elle a surtout permis de voir en réel ce que l’électricité pouvait leur apporter comme aide dans leur travail ou tout simplement comme confort. Que ce soit comme réfugié en France ou mais aussi comme voisin des installations de l’occupant, ils avaient pu en profiter, ils savaient que c’était possible.
La fausse bonne idée
Il y avait bien quelques initiatives locales et on a bien pensé à les développer pour subvenir aux besoins de chaque village, comme ce fut le cas à Presgaux, mais cela nécessitait des investissements difficilement supportables.
La solution des centrales privées
La bonne solution aurait été de répéter dans nos région le modèle appliqué dans et autour des villes comme Charleroi et Mons, pas loin de chez nous.
Or, l’électrification des villes était le fait d’industriels qui investissaient dans une centrale et un réseau dans le seul but de créer du profit. On comprendra très facilement que tirer des centaines de kilomètres de fils et planter des milliers de poteaux pour accéder à quelques centaines d’utilisateurs/clients, ne rentrait pas dans leurs plans financiers. D’autant plus que ces industriels se trouvaient en difficulté de trouver des capitaux toujours plus importants suite aux fortes hausses des prix des matières premières et de la main-d’œuvre dans l’immédiat après-guerre.
Les centrales conçurent alors un modèle selon lequel, les communes qui souhaitaient être équipées leur accordaient une concession de trente ans et finançaient les installations haute et basse tension moyennant une ristourne sur le kWh. Et, cerise sur le gâteau, le concessionnaire devenait propriétaire des installations à la fin de la concession.
Seuls les plus riches pouvaient entrer dans un tel schéma. De plus, le renoncement d’une commune privait sa voisine du co-financement d’installations communes, notamment en haute tension.
La solidarité
C’est ainsi que naquit l’idée que la solution ne viendrait que de la solidarité entre nos communes, riches et pauvres. Un homme providentiel allait s’atteler à la tâche.
3.2 Joseph Chardon – L’homme
Joseph Chardon est né à Rance le 14 mars 1877 et y décédé le 19 octobre 1963 à l’âge de 86 ans. Patron marbrier, il a développé une activité importante au départ d’un petit atelier laissé par son père. Il crée aussi un atelier de finition à Eppe-Sauvage pour bénéficier de droits de douane moins élevé sur les produits semi-finis destinés à la vente en France.
Il fait pas mal d’affaires en France, au départ d’un magasin qu’il a ouvert à Paris en 1924 et qui subsistera jusqu’en 1995. Un atelier à l’arrière de ce magasin est destiné à la fabrication et reproduction d’objets en bronze. C’est probablement de là que vient le buste le représentant, toujours présent dans la salle du CA de l’AIESH.
Conseiller provincial socialiste et député permanent (dès 1920) de la province de Hainaut. On peut s’étonner qu’un patron comme Joseph Chardon soit élu du parti socialiste. Il faut cependant savoir que Rance est une des premières sections rurales du parti Socialiste (POB) dès 1889. Un café sert de local où ils organisent une bibliothèque et un centre d’aide. Très jeune Joseph Chardon adhère à ces idées. Devenu patron, il estime que l’amélioration de la condition ouvrière est nécessaire, et en retour, des ouvriers mieux traités sont plus performants. À l’époque, il n’est pas le seul à penser de la sorte, des patrons de charbonnages auront la même réflexion.
Joseph Chardon sera administrateur-délégué de l’AIESH, de 1926 à 1961. Il sera aussi administrateur à la faculté polytechnique de Mons de 1927 à 1962
La loi créant les intercommunales
Dès sa nomination comme député permanent, Joseph Chardon s’attèle à la lourde tâche d’électrifier les communes du sud du Hainaut et du sud Namurois. Pour y parvenir, avec ses collègues de la Députation Permanente du Hainaut, il contribue largement à une loi qui organise les associations de communes dans un but d’utilité publique.
La loi créant les intercommunales est votée le 01 mars 1922.
Joseph Chardon dispose maintenant de l’outil pour organiser la solidarité de nos communes en vue de leur électrification.
Un travail de persuasion
Le 22 janvier 1922, Joseph Chardon invite à Chimay les représentants des communes du Sud du Hainaut, en gros de Momignies à Thuin, en présence de conseillers des provinces de Hainaut et Namur. Malgré la présence d’une délégation provinciale, il semblerait que les communes du sud-namurois n’aient pas été sollicitées.
L’objet de la réunion est de présenter un projet d’électrification de la région et de promouvoir l’idée d’une intercommunale qui garantirait une égalité des chances à chaque village.
De nombreuses communes, essentiellement du sud de Beaumont, sont représentées à cette réunion. Leur énumération serait fastidieuse et incertaine. Le plus instructif est encore de s’intéresser à la liste des absents. On y retrouve quelques petits villages comme ForgePhilippe, Vaulx ou Vergnies qui ont probablement décidé de suivre les choix de leurs plus grands voisins. Mais on y retrouve aussi quelques plus grosses communes comme les villes de Chimay et Beaumont ou encore Bourlers et Sivry. Rance participera à la réunion, mais n’adhèrera pas au projet. Leurs motivations peuvent différer, mais chacune, en raison de son poids démographique ou des engagements déjà pris peut espérer intéresser les centrales
privées à son avantage, sans passer par la contrainte de la solidarité via une intercommunale. Le travail préparatoire va être long et laborieux : convaincre les hésitants et les craintifs, persuader les opposants de bonne foi, ainsi que les opposants par calculs politiques, Joseph Chardon donnera plus de cent séances d’information.
3.3 1925 – le grand départ
Fin 1924, le processus de création d’une intercommunale prend forme, le 24 décembre, une invitation est lancée pour une assemblé générale préalable à la constitution d’une intercommunale.
Le 4 janvier 1925, 28 communes participent à la réunion et désignent un conseil d’administration provisoire chargé des travaux préparatoires.
Le 20 avril 1925, un Arrêté Royal approuve le projet d’association voté par les 28 communes.
Le 28 avril 1925, l’assemblée générale de constitution a lieu. Le conseil d’administration provisoire est confirmé, complété par deux suppléants et quatre commissaires, respectivement secrétaires et receveurs communaux. On peut y voir un souhait de s’appuyer sur une expertise administrative et juridique.
La première décision du conseil d’administration est de souscrire un emprunt de 3.400.000 Bef, soit près de 5.000.000 euros à l’index actuel, pour étudier et réaliser le réseau électrique.
Une tâche primordiale s’impose au nouveau conseil d’administration : trouver un ou plusieurs fournisseurs d’électricité.
3.4 Une entreprise hasardeuse, un parcours semé d’embuches
La constitution d’une intercommunale ne modifie pas les données fondamentales du problème. La géographie de la région et sa démographie restent pareilles. Les sommes à investir sont énormes et avant tout, il faut trouver de l’électricité.
Négociations avec les centrales
Les négociations avec les centrales s’avèrent compliquées. Elles n’avaient pas souhaité investir dans nos régions, mais elles voient d’un mauvais œil cette initiative publique qui, si elle faisait des émules, pourrait mettre à mal leur modèle économique qu’elles voient comme très lucratif. Pour assoir leur monopole, elles se sont coalisées dans les « les Centrales réunies », prémices du futur Electrabel. En imposant leurs contrats, elles espèrent récupérer d’une main ce qu’elles ont perdu de l’autre. En clair, laisser aux communes et à l’AIESH l’énorme charge du réseau et s’accaparer le profit de la vente de l’électricité. Ce qu’elles obtiendront 75 ans plus tard via la libéralisation.
Joseph Chardon va utiliser deux leviers dans la négociation : la France toute proche et la capacité de production de la saboterie la persévérance à Presgaux.
Les négociations avec la saboterie iront jusqu’à l’étude d’une montée en puissance pour alimenter toute la partie sud du réseau. La saboterie s’est même engagée dans l’achat de moteurs supplémentaires. Au final, c’est quand même la centrale d’Auvelais qui sera retenue mais à des conditions bien meilleures que si elle s’était retrouvée seule dans la négociation. La saboterie sera d’ailleurs indemnisée pour les frais engagés, mais aussi pour son apport comme moyen de pression.
Pour le côté Ouest du réseau, l’AIESH va plutôt se tourner vers la France,
D’une pierre deux coups, et même trois … normal pour un marbrier
On l’a vu, la traversée du bois de la Fagne constitue un défi technique, mais aussi financier en ce qu’il nécessite un investissement de 12 km de lignes HT rencontrant très peu de clients potentiels.
Bien au courant de la situation de l’autre côté de la frontière, d’autant qu’il possède aussi une marbrerie à Eppe-sauvage, Joseph Chardon sait que la société Electricité et Gaz du Nord implantée à Jeumont a dans ses obligations d’alimenter tous les villages du sud du département, dès qu’ils en font la demande. Il entreprend dès lors des démarches auprès des municipalités concernées, Willies, Eppe-Sauvage, Moustier-en-Fagne, Baive et Wallers, pour les amener à solliciter collectivement un raccordement à l’électricité. Les conséquences sont plus que positives pour l’AIESH. La liaison nord-sud passera par la France, elle sera financée par Electricité et Gaz du Nord qui dans la foulée fournira l’électricité à des conditions meilleures que celles proposées par les centrales belges.
Et le meilleur est encore à venir … mais ça, Joseph Chardon ne le sait pas.
Et un coup de pouce de la province de Hainaut…
Consciente de l’intérêt pour la Botte de réussir son électrification, la Province avait décidé en 1923 se souscrire du capital à hauteur de 1.000.000 Bef, une manière de rassurer les communes hésitantes face à l’ampleur de l’engagement financier.
Mais, les Centrales réunies, toujours elles, se sont chargées de semer le doute dans l’esprit des décideurs provinciaux. Une étude complémentaire conclut que l’affaire peut être faisable à condition d’atteindre un volume vendu de 300.000 kWh et moyennant un léger subside public.
La Province ne voulant pas se désolidariser de sa Botte, ni sans doute de son député- permanent, octroya un prêt de 2.000.000 Bef, sous garantie communale, en lieu et place de l’actionnariat promis. La somme était doublée, mais le risque pesait entièrement sur les communes.
Bien plus, la Province facilita le projet en mettant gracieusement à disposition de l’AIESH les compétences de directeurs et professeurs de l’UT à Charleroi et de la faculté polytechnique de Mons.
3.5 Le modèle économique de l’AIESH
- Les lignes HT et les équipements d’utilité générale sont financés par l’intercommunale, tandis que chaque commune finance ses lignes HT spécifiques et les lignes BT dont elles sont propriétaires.
La situation évoluera avec le temps :- en 1945, les transformateurs amortis deviennent propriété de l’AIESH.
- en 1963, les installations HT propres à une commune sont prises en charge à 49% par AIESH.
- en 1976, les installations BT propriété des communes sont apportées en usage (louées) à l’AIESH qui en assure l’entretien et verse à la commune une redevance d’amortissement de 3% de la valeur, dans un fonds prioritairement affecté aux réinvestissements.
- En 1981, l’AIESH entame un programme de rachat des installations HT aux communes qui le désirent, notamment en vue de financer la création du réseau TV,
- En 2003, pour simplifier ses procédures en vue de la libéralisation qui se profile, mais aussi en raison de la complexification des procédures de marché public, l’AIESH rachète l’ensemble des installations BT aux communes. L’opération avoisine les 13 millions d’euros. Les communes ont l’obligation de laisser 20% de la somme qui leur revient en capital dans l’AIESH et la possibilité de se faire verser tout ou partie du solde.
- Les coûts de l’AIESH sont répartis de manière égale sur chaque kWh consommé,
- En raison de leur charge d’investissement spécifique, chaque commune fixe son propre prix du kWh,
- Les bénéfices éventuels doivent servir à réduire le prix du kWh,
- Lors de leur affiliation, les communes souscrivent une action à 50 Bef par habitant. Dont seulement 5% soit 2,50 Bef sont appelés (réellement versés), le capital montera à 25% quand la loi l’imposera. Le solde ne sera appelé qu’en 1996 et sera payé par les communes au moyen d’un dividende exceptionnel,
4 Les affiliations de communes
4.1 Les fondateurs
Les démarches conduisant à la création d’une intercommunale ont duré près de trois ans pour aboutir en aout 1924 à un projet de statuts sur lequel 28 communes vont délibérer positivement. Sur base de ces délibérations, un AR du 20 avril 1925 approuve le projet d’association.
Ce ne seront cependant que 26 communes qui se réuniront en assemblée générale le 28 avril 1925 pour constituer l’AIESH.
Liste des communes fondatrices de l’AIESH :
Momignies, Macon, Macquenoise, Beauwelz, Seloignes, Baileux, Forges, Robechies, Salles, Villers-la-Tour, Virelles, Froidchapelle, Fourbechies, Erpion, Grandrieu, Montbliart, Sautin, Barbençon, Leugnies, Renlies, Solre-Saint-Géry, Thirimont, Bersillies-l’Abbaye, Leers-et-Fosteau, Ragnies et Biercée. On constate que deux communes ayant approuvé les statuts sont absentes à l’AG fondatrice.
Le cas de Montignies-Saint-Christophe est vite réglé. Son représentant arrivé en retard à l’AG fait affilier sa commune au conseil d’administration qui suit immédiatement et y est même désigné administrateur.
Le cas de Rièzes est plus complexe. La traversée des bois de Forges et de Bourlers pose visiblement les mêmes problèmes de surcoût que celle évoquée plus tôt concernant le bois de la Fagne. Après avoir envisagé un approvisionnement au départ de Regniowez et de longues discussions sur le financement des lignes à haute tension, Rièzes rejoindra finalement l’AIESH en 1927, y emmenant toutes ses voisines.
4.2 Les ralliements successifs de 1925 à 1936
- 1925 : Bailièvre, Leval-Chaudeville et Lompret
- 1926 : Monceau-Imbrechies et Sivry
- 1927 : Bourlers, L’Escaillère, Aublain, Le Brûly, Cul-des-Sarts, Dailly, Petite-Chapelle et Rance
- 1929 : Saint-Remy, Vaulx et Vergnies
- 1930 : Forge-Philippe, Pesche et Biesme-sous-Thuin
- 1936 : Brûly-de-Pesche
- 1937 : Fontaine-Valmont
- En 1936, la petite commune de Brûly-de-Pesche, isolée au milieu de la forêt, bénéficie d’un subside de l’Office de redressement économique et d’une aide provinciale pour s’affilier à l’AIESH. Elle est aussi la dernière commune de la province de Namur à s’électrifier.
4.3 Presgaux et Gonrieux
On a déjà beaucoup parlé de la situation de Presgaux bénéficiant de l’électricité produite et distribuée par la saboterie, dès 1897.
En 1914, Gonrieux devient une commune séparée, mais son destin électrique reste lié à celui de Presgaux. En 1924/25, la saboterie a aidé l’AIESH en envisageant une solution alternative aux conditions des Centrales réunies.
En 1931, La saboterie conserve la distribution sur les deux villages, mais achète l’électricité en HT à l’AIESH lorsqu’elle est à l’arrêt, notamment la nuit et le week-end. Finalement, l’AIESH et la saboterie se serviront de secours mutuel.
En 1956, la concession de la saboterie prend fin. Les deux communes s’affilient à l’AIESH
4.4 Erquelinnes
Voisine de Jeumont, Erquelinnes est alimentée en électricité depuis les années 1910, sans plus de précision et sans précision non plus des conditions contractuelles de cette alimentation.
On sait par contre que en 1948, la gestion du réseau électrique est un service communal, qui sera mis en régie vers 1960.
Erquelinnes rejoint l’AIESH en 1973.
4.5 La fusion des communes en 1976
En 1976, suite à la fusion des communes, le nombre d’associés à l’AIESH passe de 50 à 8.
Seulement deux communes nouvellement constituées sont entièrement desservies par l’AIESH : Momignies et Sivry-Rance.
Pour Chimay et Beaumont, seul le centre urbain échappe à l’AIESH pour les raisons évoquées plus tôt.
Le cas de Boussu-lez-Walcourt dans la commune de Froidchapelle est plus surprenant. Ce village à surement profité de l’électrification de ses voisins Walcourt et Silenrieux.
Pour les trois autres communes, Couvin, Thuin et Erquelinnes, les réseaux desservant les zones AIESH d’une part et UNREG/Intercom d’autre part sont clairement distincts.
Il faudra cependant attendre une loi du 22 décembre 1986 pour autoriser les communes à regrouper tout leur territoire sur une seule intercommunale, tout en imposant le paiement d’un dommage aux autres associés lésés par le retrait.
Bien avant cette disposition que Fontaine-Valmont, fusionnée avec Merbes-le-Château, quitte l’AIESH en 1976.
4.6 Les villes rejoignent l’AIESH
Chimay
La situation de Chimay est très particulière en ce sens qu’elle est complètement enclavée dans le territoire de l’AIESH, ce qui n’est pas le cas de Beaumont et Couvin qui se trouvent en périphérie et donc accessibles aux réseaux voisins.
Bien que le centre-ville ne soit pas desservi par l’AIESH, la fusion des communes a quand même fait de Chimay l’associé le plus important de l’AIESH.
De plus, alors que les bureaux et ateliers se trouvent à Rance depuis la création de l’intercommunale, le siège social est domicilié à l’hôtel de ville de Chimay et ne sera transféré à Rance que récemment, pour des raisons pratiques bien évidentes.
En 1865, la Compagnie Nationale d’Eclairage (CNE), établie à Anvers a obtenu une concession d’exploitation du gaz pour 99 ans.
Quand Chimay a envisagé de s’affilier à l’AIESH en 1925, la CNE a fait valoir que le contrat de 1865 concernait, non pas le gaz, mais l’éclairage et que le passage du gaz à l’électricité ne rendait pas le contrat caduc. Chimay aurait donc pu s’affilier à l’AIESH et créer un réseau uniquement pour la force motrice, ce qui n’avait aucun sens.
La CNE va donc développer et exploiter le réseau électrique de Chimay jusqu’à la fin de sa concession. Mais, comme le réseau de gaz donnait satisfaction pour les usages d’éclairage et domestiques, ce n’est qu’en 1934 que la CNE a développé le réseau électrique. Pour s’approvisionner en électricité sur ce territoire enclavé, la CNE négocie un contrat de fourniture en HT avec l’AIESH.
Dans le même temps, la CNE ne s’intéressant pas aux écarts agricoles, c’est l’AIESH qui assure l’électrification des hameaux comme la Fagne, la Champagne, la Contrôlerie, … au titre de simple sous-traitant de la ville.
En 1964, le contrat avec la CNE se termine enfin, mais de nombreuses maisons sont encore équipées de chauffage ou de cuisinières au gaz. Or, les statuts de l’AIESH ne lui permettent pas d’exploiter le gaz et la CNE refuse d’exploiter le gaz seul, sans l’électricité.
La ville de Chimay ne peut donc s’affilier à l’AIESH et sera, au gré des fusions de sociétés desservie par Intelsalm, INEL, Esmalux, UNERG, dans le giron d’Electrabel.
Profitant de la fin du contrat avec INEL fin 1986, Chimay s’affilie à l’AIESH au 1 janvier 1987, entrainant la fin de la distribution du gaz, suscitant la désapprobation des derniers utilisateurs. Pour assurer la continuité du service, mais aussi pour leur permettre de conserver leur emploi à Chimay, deux agents de Inel sont repris par l’AIESH.
La situation de fin de contrat signifie qu’aucun dommage n’est dû suite au retrait. Les réseaux et équipements électriques seront rachetés à leur valeur comptable.
Beaumont, Strée et Boussu-lez-Walcourt
Comme vu précédemment, Beaumont, Strée et Boussu-lez-Walcourt, avantagés par leur position géographique et leur démographie avaient pu bénéficier de l’électrification par les centrales privées bien avant la création de l’AIESH.
Utilisant les dispositions de la loi favorisant la rationalisation des intercommunales sur leur territoire, les communes de Beaumont et Froidchapelle unifient la distribution d’électricité sur leur territoire au 1 janvier 1988.
Officiellement, aucun dommage n’est payé alors que le retrait ne coïncide pas avec une fin de contrat. Cependant, le contrat de fourniture électrique imposé par Electrabel pour 20 ans s’apparente à un dommage différé ou à crédit, aussi bien dans la formule de calcul du prix de vente que dans la limitation du volume autorisé à transiter de la zone sud, alimentée par EDF vers la zone nord (alimentée par Electrabel).
Quoiqu’il en soit, l’opération est tout bénéfice pour les communes concernées et pour l’AIESH. Les communes voient leur gestion simplifiée, l’ensemble de leurs concitoyens bénéficier du même service de proximité et, cerise sur le gâteau, leurs dividendes augmenter.
L’AIESH quant à elle, se voit confortée dans son rôle dans la botte du Hainaut, elle agrandit sa surface d’exploitation et surtout n’est plus exposée au risque d’opération de regroupement qui lui serait défavorable.
En 1988 également, la ville de Thuin affilie les anciens villages de Donstienne et Thuillies à l’AIESH, qui dessert désormais six anciens villages de la ville de Thuin. Cette affiliation est essentiellement due à des raisons pratiques d’organisation des réseaux suite à l’affiliation de Strée. Thuin-centre et Gozée, représentant 70% de la population thudinienne restent affiliés à l’intercommunale carolorégienne IEH.
4.7 Les retraits de Thuin et Erquelinnes
Donstienne et Thuillies ne seront pas restées longtemps affiliées à l’AIESH. En effet, le conseil communal issu des élections de 1988 décide du regroupement de la distribution de l’ensemble de la ville sur IEH en date du 01.07.1990. Dans la foulée, Erquelinnes, également gérée par une nouvelle équipe prend la même décision, mais reste associée pour la télédistribution.
Pour argumenter leurs décisions, les communes font valoir les faibles moyens de l’AIESH pour faire face aux défis qui se profilent à l’horizon. Ils avancent également des arguments économiques démontrant que si l’AIESH a toujours ristourné plus de dividendes à ses associés que les intercommunales associées à Electrabel, elle ne pourra pas tenir dans le futur. L’avenir leur donnera tort, mais le mal est fait, pour la première fois de son histoire, l’AIESH voit des associés la quitter, et parmi eux, des anciens villages fondateurs.
L’AIESH ne se laisse pas faire. En 1991, la validité des décisions de retrait est contestée devant le Conseil d’État lequel a demandé l’avis de la Cour d’Arbitrage. Au final, il aura fallu attendre 1999 pour s’entendre dire que le texte contesté par l’AIESH était bien anticonstitutionnel et avait été corrigé entretemps, mais restait applicable au moment de la décision de retrait de Thuin et Erquelinnes.
L’AIESH a épuisé toutes les voies de recours et de plus, la décision (tardive) tombe au plus mauvais moment. En effet, on est entré dans le processus préparatoire à la libéralisation du marché de l’électricité et la Région Wallonne s’efforce d’unifier la distribution sur les communes, récupérer le sud de Thuin et une partie d’Erquelinnes n’aurait pas beaucoup de sens.
Il s’ensuit une bagarre d’experts pour fixer le montant des dommages que l’AIESH pourrait obtenir de IEH sachant qu’il y a un accord sur le prix des équipements de réseau. Dans ce domaine la créativité des cabinets d’affaires fait miroiter des sommes considérables pendant que la partie adverse minimise les chiffres. L’impossibilité à trouver un terrain d’entente fait que la procédure s’éternise.
En 2012, le Président de l’AIESH, anticipant les potentiels changements consécutifs aux élections communales, insiste pour que l’on trouve une solution équilibrée. Le même raisonnement semble animer l’autre partie. Des négociations apaisées conduisent à la signature d’une convention entre les villes d’Erquelinnes et Thuin, l’AIESH et IEH, clôturant un conflit de plus de 20 ans.
4.8 La saga Couvin
Les communes de Couvin, Mariembourg, Petigny, Frasnes et Boussu-en-Fagnes avaient réalisé leur électrification par une intercommunale associée aux producteurs privés devenue au fil du temps IDEG.
Jusqu’à la fusion des communes, la situation ne posait pas problème même si l’une ou l’autre velléité de rapprochement avec l’AIESH s’était manifestée. Il y avait un réel intérêt mutuel à ce rapprochement, AIESH consolidait son territoire et retrouvait une base plus large pour répartir ses frais généraux, tandis que Couvin y trouvait un service plus proche aux citoyens et surtout la perspective de dividendes plus importants. En effet, dans les années 1990, l’AIESH et IDEG versent annuellement à peu près le même dividende à la ville de Couvin alors que IDEG dessert 2/3 des utilisateurs contre 1/3 pour AIESH.
Avec la libéralisation du marché survenue entre 2003 et 2006, le besoin de regrouper la distribution sur un seul GRD se fait plus pressant pour éviter que des citoyens d’une même commune se voient appliquer des tarifs différents. De plus, à cette époque, il y a une volonté quasi unanime du conseil communal de Couvin pour unifier sur AIESH, sachant que l’inverse est aussi possible (scénario Beaumont contre scénario Thuin).
En 2012, coïncidence ou pas, le processus est enclenché de manière plus volontariste. La ville de Couvin désigne l’AIESH comme GRD sur l’ensemble de son territoire tandis que l’AIESH désigne des experts pour l’accompagner. La Cwape suit Couvin dans sa décision mais avec la condition suspensive que l’AIESH devienne propriétaire des réseaux.
Comme dans le cas du retrait de Thuin et Erquelinnes, la bagarre des experts peut reprendre, les évaluations des uns et des autres sont aux antipodes et paraissent irréconciliables. Cette fois, ce sont les exigences de IDEG qui sont démesurées et clairement destinées à empêcher tout accord. Elles le resteront pendant plus de 10 ans. Après le renouvellement des GRD en 2023, alors que Couvin a de nouveau désigné AIESH sur tout son territoire, IDEG abandonnera la quasi-intégralité de ses revendications.
Au 1 janvier 2024, Couvin est définitivement affilié à l’AIESH.
5 Les faits marquants
Les sous-stations
Au début de l’AIESH, l’électricité était fournie par la France en 15.000 v à Thirimont et à Macon et par les centrales Belges en 11.000 v à Froidchapelle.
À mesure de l’évolution des besoins, les réseaux de transport vont monter en intensité. Les français utiliseront le 63.000 v tandis que le réseau belge choisira le 70.000 v, sachant que sur des tronçons plus importants la tension peut monter jusqu’à 400.000 V, mais ceci ne nous concerne pas.
Cette évolution impose à l’AIESH de redessiner ses réseaux et de créer des postes de transformation pour ramener l’électricité à une tension exploitable de 15.000 v.
À Momignies, en 1968, mise en service de la sous-station alimentée en 63.000 v par la France. À Chimay , en 1972, mise en service du poste 63 / 15 kv, alimenté depuis Momignies. Chimay devient le deuxième nœud du réseau sud.
À Solre-saint-Géry, en 1989, mise en service de la sous-station 70.000 v / 15.000 v et 11.000 v. En 2007, la partie 70.000 v du poste et le transformateur sont cédés à Elia conformément à la nouvelle organisation des réseaux électriques.
À Couvin : en 2024 reprise du poste de la route Charlemagne
Réseau MT en 15 kv et BT en triphasé 220/380 v
Dès sa constitution, l’AIESH s’était adjoint les services d’un ingénieur conseil, Eudore Delforge, au sujet duquel on n’a pas de précision, mais qui s’est montré très audacieux pour utiliser des niveaux de tension peu utilisés en Belgique.
Pour la MT venant de France en 15 kV, cette tension a été utilisée sur les lignes de l’AIESH pour amener le courant aux cabines de transformation. Pour l’alimentation coté belge, il fallait se contenter de la tension fournie en 11 kV.
Pour la BT, le choix du triphasé 220/380 v qui deviendra plus tard 230/400 v, permettait notamment de garantir une tension stable sur des plus longues distances, situations fréquentes en milieu rural. Ces choix techniques ont par ailleurs permis de tenir sans trop de renforcements, donc sans investissements complémentaires jusque dans les années 1960.
Les mêmes causes provoquant les mêmes effets, les renforcements et mises en souterrain des réseaux réalisés depuis les années 2000, ont été calibrés en tenant largement compte des potentielles augmentations de puissance, au final, ce choix s’avère utile lorsqu’il s’est agi de recevoir les productions des panneaux photovoltaïques
Réseau 980 v
Lors de la création de l’AIESH, les fermes ont été électrifiées en BT en fonction de leurs modestes besoins : quelques lampes, un ou deux moteurs que l’on se gardait bien de ne pas utiliser simultanément.
Dans les années 1950/60, les besoins ont fortement augmenté tant pour les besoins domestiques que pour l’activité de la ferme : moteurs plus puissants ou appareils de refroidissement du lait. L’éloignement de certains fermes par rapport aux centres de village, où se trouve la cabine, ne permet plus de fournir l’électricité nécessaire à la ferme.
Avec la technique classique de l’époque, la solution aurait été de prolonger la ligne 15 kV, jusqu’à un transformateur au plus près du point de consommation. Cette solution s’avérait fort couteuse. Il faut trouver autre chose.
L’astuce de l’AIESH va être de se servir de la réglementation régissant la BT qui stipule qu’elle s’applique à toute tension inférieure à 1000 V. En collaboration avec une firme italienne, l’AIESH a mis au point l’équipement nécessaire pour transporter l’électricité sur le réseau BT à 980 v. Ceci permettait d’amener plus de courant plus loin, tout en coûtant moitié moins que la solution classique.
La première réalisation concrète concerne la ferme Devuyst à Petite-Chapelle. La technique sera aussi utilisée pour des petits écarts comme la Champagne entre Forges et Forge-Philippe.
Dix années plus tard, le système était adopté par d’autres sociétés confrontées au même problème.
Mise en boucle des lignes MT
Jusqu’en 1933, les lignes étaient construites en antenne, organisées comme le tronc, les branches et les rameaux d’un arbre, avec comme conséquence qu’une panne en amont met en panne toute la ramure en aval.
La mise en boucle consiste à prévoir une double alimentation pour chaque ligne. Le premier bouclage a été mise en service entre Rance (courant belge) et Montbliart (courant français) en 1933. Peu de temps après, une panne à Senzeilles devait se propager jusqu’à Rance. Le bouclage a permis de pousser du courant depuis Montbliart, évitant 48 heures de panne, de Rance à Barbençon.
En 1967, de nombreuses lignes sont bouclées.
En 1972, avec le bouclage de Bersillies-l’Abbaye, l’ensemble du réseau AIESH est bouclé.
On le devine, tout cela ne se fait pas sans précaution, notamment pour éviter qu’un tronçon ne soit alimenté de deux cotés en même temps.
Dans les années 30, toutes les manœuvres sont exécutées manuellement. Tout cela est lent et risqué. C’est le moment de préciser que depuis ses débuts, l’AIESH a mis en place un service de garde permanent, organisé en quatre équipes qui se relaient chaque semaine. Chaque ouvrier ou technicien est susceptible de participer au rôle de garde.
En 1956, une première amélioration intervient lorsque deux véhicules sont reliés par radio avec le bureau de Rance. Les cabiniers seront pareillement équipés en 1965. En 1968, un système de télécommande mis au point en interne permet de vérifier et d’actionner les disjoncteurs de la station de Momignies, aussi bien depuis le bureau de Rance que depuis le domicile des responsables de garde.
Dans les années 2000, mise en place d’un programme informatique qui permet de visualiser l’état des équipements et de réaliser les manœuvres depuis l’ordinateur du responsable. Beaucoup de temps et de sécurité gagnés, indispensables depuis que les utilisateurs et leurs installations ne tolèrent plus la moindre coupure.
Au début des années 2000, l’AIESH abandonnera son réseau radio propre pour s’affiler au réseau ASTRID, développé notamment pour la police et les services de secours
Relevés de compteurs, facturation et informatique
Jusqu’en 1968, les compteurs sont relevés trimestriellement, par les agents AIESH qui lors du même passage encaissent, en espèces, le montant de la facture du trimestre précédent. La facture a été calculée manuellement par les agents administratifs.
En 1968, les relevés trimestriels d’index sont remplacés par un relevé en décembre. Les factures font l’objet d’une première informatisation via une société liégeoise. Rapidement, l’AIESH fera le constat que la dépendance à un sous-traitant dans un domaine si important nuit à son autonomie.
L’AIESH va alors développer son propre système informatique et ne cessera de le moderniser en recrutant du personnel compétant, tant pour le choix du matériel que pour la réalisation des logiciels spécifiques. Cette stratégie permettra à l’AIESH de franchir tous les obstacles imposés par les évolutions réglementaires : comptabilité en euros, compteurs à budget, et surtout, libéralisation du marché de l’électricité. Pourtant, malgré ces succès, vers 2015, l’AIESH choisira d’en revenir à l’option abandonnée 50 ans plus tôt en confiant son informatique à des sous-traitants, perdant ainsi une part importante de son autonomie, tout en faisant l’amer constat que la théorie des économies d’échelle ne produit pas toujours les effets escomptés.
L’achat d’énergie en France
En 1925, l’achat d’électricité en France à Electricité et Gaz du Nord (EGN) avait été un facteur décisif de faisabilité du projet AIESH.
En 1946, suite la nationalisation décidée par le Général De gaulle, toute l’électricité française s’est retrouvée concentrée en EDF. EGN assume son contrat jusque fin 1951, puis passe le relais à une filiale constituée pour la cause, la SPEP, prétextant que EDF ne pouvait vendre à l’étranger.
Pendant plus de 10 ans la SPEP a vendu l’électricité de EDF à l’AIESH au tarif belge alors que les prix français avaient diminué de 20 à 25%, engrangeant au passage de copieux bénéfices.
En 1962, suite à des baisses de prix intervenues en Belgique, cette fois, l’AIESH a demandé des aménagements tarifaires que la SPEP a refusé. Devant ce refus, le nouvel administrateur délégué s’est adressé directement à la direction de EDF à Paris qui a nié la prétendue interdiction de vente à l’étranger et a offert dès 1964, un tarif de l’ordre de 20% inférieur au tarif belge. L’écart tarifaire se réduira par la suite mais restera toujours suffisamment avantageux pour compenser handicap géographique et démographique de l’AIESH. Pour citer un chiffre, en 1995 l’écart était de 0,50 Bef par kWh, pour 120 millions de kWh, cela faisait 60 milions Bef, soit 1,5 million euros, représentant plus de la moitié du bénéfice de 101 millions Bef.
Jusqu’en 1998, les conditions favorables de EDF pouvaient être corrigées, en positif ou en négatif, par le taux de change Bef/frf. À partir de 1999, les achats se feront en euros sans plus aucun risque de change.
La belle histoire avec EDF prendre fin avec la libéralisation du marché. En 2006, EDF dénonce le contrat de 1997 en invoquant les directives européennes. AIESH doit se résoudre à lancer un marché public européen auquel EDF est le seul en mesure de répondre. Les conditions sont de loin supérieures aux conditions contractuelles antérieures et même aux conditions de marché du fait de l’absence de réelle concurrence. Les nouvelles conditions couteront de l’ordre de 1,5 millions euros à l’AIESH qui de toutes manières cessera son activité achat/vente d’électricité dès 2007 du fait de la libéralisation de la clientèle BT.
AIESH introduira une procédure arbitrale par devant la Chambre de Commerce International à Paris mais sera déboutée en 2008.
Le prix de l’électricité
Une chose est certaine, pour l’utilisateur, l’électricité est toujours trop chère. Le propos n’est pas ici de refaire l’historique de prix de l’électricité, mais bien de parcourir les principes de formation des prix et l’influence que l’AIESH peut avoir sur ceux-ci.
Lors de la création de l’AIESH, chaque commune décide du prix du kWh pour ses habitants. Le prix doit couvrir le cout imputé par l’AIESH et le cout des emprunts contractés par les communes pour construire leur réseau, ce qui explique la disparité des prix, pouvant aller du simple au double. Les bénéfices éventuels sont réinjectés dans les budgets de l’année suivante en vue de diminuer le prix.
En 1963/64, on assiste à une première uniformisation des prix, par l’instauration d’un tarif en quatre tranches, seule la première tranche est laissée à la liberté des communes. En 1966, les communes n’ont plus le choix qu’entre trois tarifs.
En 1968, adoption d’un tarif national unique en trois tranches.
À noter que pendant la période de liberté des tarifs, les tarifs de l’AIESH restaient inférieurs à la moyenne nationale, malgré le handicap géographique. L’AIESH comptait 16 abonnés par km de réseau alors que la moyenne nationale était de 55.
Le système va perdurer jusqu’à la libéralisation, les prix sont adaptés en fonction des prix des salaires (l’index) et des combustibles, parfois corrigés par des dispositions sociales puis environnementales à la fin du 20e siècle.
En 2007, lors de la libéralisation, le prix au client est scindé en deux parties, l’énergie proprement dite d’une part et les couts de réseau, incluant de nombreuses taxes, d’autre part.
Le prix de l’électricité est entièrement libre et fait l’objet de la concurrence entre les acteurs.
Le prix des réseaux est régulé par l’autorité publique, avec comme principe de couvrir les couts justifiés du GRD, ce qui nous ramène à une tarification différenciée, non plus par commune, mais par GRD. À titre indicatif, le salaire moyen d’une heure de travail permet d’acheter 1,6 kWh en 1928, 1,9 kWh en 1939, 7 kWh en 1955, 30 kWh en 1990. Ce chiffre n’a pratiquement pas évolué depuis lors, ce qui semble traduire un échec de la libéralisation du marché.
6 La libéralisation
L’objectif de la libéralisation est d’organiser la concurrence pour ce qui concerne la production et la vente d’électricité.
Par contre, la gestion des réseaux va rester en monopole public et régulé, une manière d’éviter la multiplication des réseaux, tant pour des raisons financières qu’environnementales.
Pour l’AIESH, il s’agit d’un tournant majeur dans son histoire puisqu’elle ne sera plus autorisée à vendre aux clients finaux, son activité se limitant aux missions de GRD (gestionnaire de réseau de distribution).
Cadre législatif
1996 : directive européenne concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité.
1999 : loi fédérale électricité transposant la directive européenne en droit belge.
2001 : décret wallon du 12.04 qui crée le statut de GRD, précise leurs missions et impose aux communes de se choisir un GRD, en principe unique sur son territoire. Nos communes vont se choisir l’AIESH comme GRD, y compris Couvin, sous réserve d’obtention par l’AIESH du droit d’exploiter le réseau détenu par IDEG. La désignation prend cours le 26 février 2003 pour une durée de 20 ans, hormis pour Couvin qui devra attendre 2024 pour voir sa situation régularisée. Lors du renouvellement du GRD pour 2023, l’AIESH a dû faire face aux tentatives de séduction du grand GRD voisin, ORES, tandis que quelques communes limitrophes s’interrogeaient sur un intérêt à rejoindre l’AIESH. Au final, le périmètre de l’AIESH ne bougera pas, à ceci près que la situation de Couvin sera définitivement régularisée.
Calendrier d’implémentation
2003 : clients consommant plus de 20 GWh, pour nous, la verrerie de Momignies
2004 : tous les clients MT, les clients industriels raccordés en 15.000 v
2007 : tous les clients … sauf que …
Concernant les clients de l’AIESH alimentés par EDF, la législation belge n’a rien prévu. L’AIESH ne pouvant plus exercer le commerce d’électricité, la clientèle a été transférée à Electrabel, seul fournisseur disposant d’une capacité de production en France. Les clients sont bien libéralisés, mais ne peuvent pas choisir leur fournisseur. L’impasse trouvera une solution au 01.03.2008
Organisation du marché
Séparation des acteurs par métier : production, transport, distribution, commercialisation.
Ces métiers seront exercés respectivement par les propriétaires de centrales, Elia, les anciennes intercommunales devenues GRD et les acteurs économiques prêts à jouer le jeu de la concurrence, avec de nouveaux entrants, comme Lampiris ou Mega, des acteurs étrangers comme Essent, mais surtout les héritiers des monopoles démantelés, Electrabel devenu Engie et SPE devenu Luminus.
La libéralisation et la régionalisation vont aussi créer de nouveaux acteurs, les régulateurs : la CREG, la CWAPE …
Il est évident que le principal impact va être l’éclatement de Electrabel en quatre structures.
Pour l’AIESH qui exerce comme distributeur et vendeur, elle va devoir se limiter aux fonctions de distribution, sous l’appellation GRD, perdant du coup son avantage différentiel découlant de son contrat avec EDF.
De fait, l’AIESH va devoir justifier de ses couts et de ses potentielles livraisons d’électricité pour permettre au régulateur de valider ses tarifs, avec un réel objectif de minimiser le cout pour les utilisateurs.
Le retour du problème géographique et démographique de l’AIESH
La faible densité de population par rapport aux couts de réseau n’a pas changé depuis 1925. Le problème longtemps compensé par les tarifs de EDF refait surface.
Pour mener à bien sa mission de contrôle des couts, la CREG se lance dès 2003 dans une étude comparative des couts des GRD, dans le but d’imposer aux plus couteux de s’aligner progressivement sur le plus performant (le moins cher). Pour ce faire, elle regroupe les GRD en fonction de critères objectifs comme le nombre de clients par km de lignes ou par cabine et en arrive à la conclusion que l’AIESH est classée seule dans sa catégorie, impossible à comparer à un autre GRD, donc plus performant par défaut. Une étude lancée par la Cwape en 2020 arrivera à des conclusions similaires.
La conclusion en est que si les tarifs de l’AIESH sont supérieurs à la moyenne belge, ou wallonne, cela est dû aux conditions dans lesquelles elle opère. À la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Pendant près de 20 ans, les tarifs de l’AIESH seront certes supérieurs à ceux des GRD desservant les grandes villes, mais comparables au tarif en province de Namur, et même meilleurs que les tarifs de la province de Luxembourg et de la région germanophone.
Depuis peu, ORES a fusionné tous ses GRD, proposant un tarif unique meilleur que celui de l’AIESH.
Le registre d’accès, la clearing house
Le découplage des métiers a entrainé un énorme besoin d’échange d’information entre les acteurs. À titre d’exemple, un index relevé par un agent de l’AIESH avant la libéralisation, était validé puis entrait automatiquement dans le système de facturation.
Après la libéralisation, c’est le fournisseur de l’utilisateur qui va devoir établir la facture, en y incorporant les couts de réseau de l’AIESH.
Le problème est complexe, mais pas insoluble, il imposera à chaque GRD la création d’un système informatique répondant à un cahier de charges ultra précis, avec bien sur un système miroir chez chaque fournisseur, sans parler les lignes de communications entre tous ces systèmes. Ces systèmes, appelés pompeusement ‘clearing house’, feront le bonheur des sociétés de développement informatiques en coutant très cher aux GRD et aux fournisseurs, et donc aux utilisateurs.
Face à ce constat, et en prévision des défis à venir, prépaiement, productions décentralisées, communautés d’énergie, les acteurs du marché décident vers 2010 de créer une plateforme commune dans laquelle chacun viendra déposer et chercher les informations de gestion du marché. Baptisée Atrias, la plateforme mettra plus de 10 ans à être mise au point et coutera, elle aussi, des sommes colossales qui, bien que mutualisées pèseront lourd sur les budgets de chaque GRD.
7 La télédistribution
Comme la plupart des intercommunales d’électricité, l’AIESH a aussi développé un réseau de télédistribution, s’appuyant sur les synergies avec le réseau électrique, même structure de réseau, mêmes poteaux (ou mêmes tranchées), mêmes clients.
C’était l’époque du développement de la télévision, des toitures garnies d’antennes-râteaux, mais aussi, d’un nombre de programmes accessibles fort limité. L’aventure n’aura duré que 34 ans.
7.1 Développement du réseau
L’AIESH organise son réseau à partir de deux antennes de captation construites à Thirimont et à Forges. Le premier réseau de télédistribution de l’AIESH est mis en service à Erquelinnes le 22.12.1978.
Le réseau sera ensuite progressivement étendu, en 1980 à Chimay et Couvin, en 1983 à Beaumont, Froidchapelle et Momignies pour terminer à Sivry-Rance en 1990.
7.2 Programmes distribués
Au début, seulement 7 programmes TV et 12 programmes radio FM sont distribués. Les nouveaux abonnés souhaitent surtout recevoir RTL qui est difficile à capter avec les antennes domestiques. C’est pourtant ce moyen que devra utiliser l’AIESH jusqu’en juillet 1981, date à laquelle la RTT détentrices des signaux acceptera de les mettre à disposition.
L’offre de programmes va se compléter début des années 1980 avec toutes les chaines belges, la plupart des chaines françaises et les chaines nationales des principaux pays européens, offrant aux natifs de ces pays la possibilité de recevoir des images de leur pays, mais aussi aux jeunes de notre région une aide précieuse dans l’apprentissage des langues.
Dans les années 1990, de nombreuses chaines privées, dont les chaines musicales, sollicitent leur présence dans l’offre de l’AIESH. La capacité de la bande passante étant limitée, l’entrée d’une nouvelle chaine entraine souvent le retrait d’une autre.
En 1996, un accord avec Brutélé, actif sur la région de Charleroi, permet de sérieuses avancées technologiques et la diffusion de nouveaux programmes dont Télésambre et un bouquet numérique accessible via le décodeur de canal+. Ces nouveaux services seront disponibles dès 1998 au départ de l’antenne de Thirimont. Il faudra attendre la liaison en fibre optique entre Thirimont et Forges en 2000 pour obtenir les mêmes services dans la partie sud du réseau.
7.3 La réorganisation du marché.
Au début des années 2000, une législation semblable à celle qui a organisé la libéralisation du marché de l’électricité voit le jour dans le domaine des télécom. Tout opérateur physique sera obligé de louer ses installations à quiconque en ferait la demande.
Par ailleurs, on assiste à l’apparition de nouveaux acteurs comme Belgacom et les télés satellites, et de nouveaux produits, l’internet, la TV à la demande.
En 2006, Belgacom frappe un grand coup en obtenant les droits TV sur le foot belge. Les télédistributeurs n’auront plus le monopole de la diffusion TV. Pour survivre, il faudra proposer les trois services : TV, téléphone et internet.
Les télédistributeurs, toujours liés ou logés dans les intercommunales d’électricité ne pourront pas concurrencer Belgacom en restant isolés. C’est donc également en 2006 que ALE-télédis et Brutélé lancent la marque VOO avec de grandes ambitions. Vu son accord avec Brutélé, Il semblait évident que le réseau TV de l’AIESH rejoigne le nouvel acteur, mais, de nouveau, la faible densité de la population du sud du Hainaut joue en notre défaveur. L’AIESH reste isolée.
Cet isolement sera définitif lorsque en 2008, VOO (TECTEO) rachète l’intégralité des réseaux de télédistribution des intercommunales (mixtes) liées à Electrabel.
C’est aussi la première année que l’AIESH voit son nombre d’abonnés diminuer. Et ce n’est pas qu’une simple coïncidence.
7.4 La cession à Numéricable
Vu les accords existant avec Brutélé, sa proximité et son statut d’intercommunale, une reprise des activités télé par celle-ci et l’intégration automatique de AIESH dans VOO semblent évidentes, mais n’aura cependant jamais lieu.
L’AIESH est lors dans l’impasse. C’est à ce moment que VOO, via son actionnaire principal TECTEO, fait une proposition de reprise à l’AIESH. Mais TECTEO, c’est surtout le GRD liégeois ex-ALE, dirigé par St. M., TECTEO impose que le sauvetage de AIESH-Télédis aille de pair avec une fusion des GRD, fusion qui impliquerait une mise en difficulté des deux autres petits GRD et dans la foulée une consolidation des GRD organisées en intercommunales pures.
Le conseil d’administration de l’AIESH n’est pas très favorable à cette option qui signifierait la disparition de l’AIESH à brève échéance, à défaut du maintien d’une coquille vide.
Un peu par hasard, intervient alors un opérateur privé, Coditel, propriété du groupe Altice, agissant sous la marque Numéricable qui se montre intéressé par la reprise du réseau TV, sans aucune vue sur le GRD. Coditel se trouve seul à répondre à l’appel d’offre de l’AIESH. Son offre n’est pas très généreuse mais apporte une solution au réseau TV tout en préservant le GRD.
Ensuite, Numéricable devient SFR puis est cédé à Telenet (Liberty global + intercommunales flamandes), alors que VOO rejoint Orange (ex-mobistar) et loue son cable à Telenet.
8 Les hommes
Avant de conclure, c’est le moment de rappeler que rien n’aurait été possible sans des générations de travailleurs au service de la population.
En 1925, des gens à qui leurs parents disent qu’ils feraient mieux de choisir un métier sérieux comme sabotier ou maréchal ferrant, pour en arriver à des gens à qui leurs enfants prédisent que l’IA va bouleverser leur métier …
C’est aussi le moment de rendre hommage aux trop nombreuses victimes du travail. Le métier d’électricien de réseau reste un métier dangereux, même si la sécurité s’est grandement améliorée au fil du temps.
9 Conclusions
Tant d’obstacles franchis depuis la création en 1925, l’adaptation permanente aux besoins des utilisateurs et aux législations, le projet Van Cauwenbergh de rationalisation des intercommunales en 2000, le défi de la libéralisation en 2003/2006, la cession de la TLD en 2012 et tant d’autres …
Pour demain, de nombreux défis attendent encore notre intercommunale : Défis techniques : réseau intelligent, voiture électrique, plus largement la transition énergétique.
Défi financier, parce que tout cela va couter très cher et qu’il faudra absorber les pertes liées à la crise de 2022/2023
Défi politique puisqu’on connait la volonté du Gouvernement Wallon d’un GRD unique en Wallonie, mais ce n’est pas la première fois qu’une telle volonté est exprimée.
Principales sources :
- La plaquette publiée par un collectif à l’occasion du 75e anniversaire de l’AIESH
- Divers documents publiés sur le net dont Jean-Marc Jancovici et Engie
- Le témoignage de Michèle Herlin concernant la biographie de Joseph Chardon
- Le témoignage de Roland Lecohier, directeur de 1961 à 1996
- Des articles publiés dans Fagnes et Thièrache et Au pays des Rièzes et des Sarts
- Des photos extraites du livre publié par André Deschamps et Georges Bajomée
- Les rapports annuels publiés par l’AIESH depuis 1960 et des documents d’archive